Alors que l’audio lossless commençait à prendre ses marques à travers nos appareils et les différents services associés — notamment les services de streaming musical comme Apple Music ou Qobuz —, le vinyle semble ne pas avoir dit son dernier mot en revenant très largement à la mode ses dernières années. Alors que certains puristes du vinyle estiment qu’il n’y a aucun débat à avoir, d’autres insistent en considérant l’audio lossless de qualité CD ou Hi-Res comme étant identique au vinyle. Essayons de replacer les choses dans leur contexte, pour savoir si l’un des deux est véritablement meilleur que l’autre !
L’apparition du numérique au profit du vinyle
Oui, car il faut comprendre qu’au début, l’audio était uniquement analogique et donc stocké sur des supports physiques à la vie inéluctablement limitée. Les disques vinyle — qu’on appelle microsillon — voient le jour en juin 1948, à la suite d’une conférence de presse organisée par Columbia Records. Il s’agit de l’une des plus grosses maisons de disque américaines, qui appartient depuis 1988 au groupe japonais Sony Music Entertainment. Mais les disques vinyle, et les cassettes à bandes magnétiques également utilisées à l’époque étaient particulièrement fragiles, sensibles à la chaleur, à la poussière et aux rayures, et s’usaient donc beaucoup trop vite. Ainsi, dans les années 1970, Sony et Philips, l’autre mastodonte du domaine de l’audio, commençaient à travailler ensemble sur une nouvelle technologie plus pérenne. C’est en 1982 que verra alors le jour le Compact Disc, sur lequel la musique est gravée au format numérique, contrairement au vinyle qui nécessitait la gravure de l’onde sonore analogique dans l’épaisseur du disque. Le Compact Disc, qui sera plus communément appelé CD, propose une qualité de retranscription de la musique selon un échantillonnage de 44 100 Hz. Sur ce support, chaque échantillon audio est décrit avec 16 bits, ce qui correspond à un débit binaire de 1,411 Mb/s. C’est encore très faible par rapport au vinyle, mais à ce moment il n’était pas encore possible de faire mieux.
La dématérialisation donne le ton
Nouveau coup de tonnerre dans les années 1990 avec l’apparition du format MP3 (MPEG-1/2 Audio Layer III). Il a été inventé par Hans-Georg Mussman, qui présidera un groupe constitué de nombreux chercheurs et de l’institut allemand Fraunhofer-Gesellschaft. Ce groupe reprit des idées de formats déjà existants comme le MUSICAM et l’ASPEC, mais ajouta de nouveaux outils technologiques pour créer un format de bien meilleure qualité. Cela va permettre d’avoir un flux reposant sur la technologie PCM (Pulse Code Modulation) de 16 bits/44,1 kHz de 1,411 Mb/s, réduit à 128 kb/s (kilo bits par seconde) avec une perte de qualité considérée comme destructive — on dira lossy, en anglais —, avec une scène sonore moins vaste, des graves moins dynamiques et des sons tout simplement supprimés, certains accuseront l’oreille humaine qui n’est pas capable de les restituer et trouveront la qualité parfaitement acceptable. Avec le MP3, les taux de compression iront jusqu’à 320 kb/s, un fichier de meilleure qualité qui contiendra ainsi beaucoup plus d’informations, mais qui sera néanmoins bien plus volumineux.
C’est à l’aube des années 2000 que sortira le premier baladeur MP3. Présenté lors du salon CeBIT (Centrum für Büroautomation, Informationstechnologie und Telekommunikation, soit en français « Salon des Technologies de l'Information et de la Bureautique »), le MPMan F10 — diminutif de Eiger Labs MPMan F10 —, de la société coréenne SaeHan Information Systems, sera le premier lecteur audio numérique portable vendu sur le marché nord-américain, sous la marque Eiger Labs, pour un prix d’environ 250 dollars. En second lieu, c’est la multinationale américaine Apple et le célèbre Steve Jobs qui, en octobre 2001, sortira ce qui deviendra un énorme succès mondial et une mode incontournable avec l’iPod.
Du MP3 au FLAC, le lossless arrive
Nous l’avons évoqué, le MP3 est considéré comme un format destructif. Afin de contrer ce défaut, d’autres méthodes de compression qui n’enlèvent aucune information du flux audio sont développées dans les années 2000, tels que le format libre FLAC (Free Lossless Audio Codec) développé par Josh Coalson ou l’ALAC (Apple Lossless Audio Codec). Ces formats ont comme principal avantage de pouvoir réduire sans aucune perte le débit ou la capacité de stockage nécessaire pour un fichier audio. Ils permettent une réduction de taille de 30 à 70 % selon la source, ce qui était jusque là inimaginable. Les amoureux de vinyle, et de qualité auditive en général, reprochent cependant à ces formats sans perte un certain manque de naturel, en accusant un échantillonnage trop faible alors que nos oreilles ne sont pas sensibles à l’identique à toutes les fréquences. En effet, l’oreille humaine peut entendre des fréquences allant de 16 Hz à 20 000 Hz, nous ne pouvons donc pas capter la totalité du spectre de fréquences d’un vinyle… ou d’un MP3.
Est-ce qu’il y a vraiment une différence entre vinyle et lossless ?
Oui, et non. La perception se fera essentiellement selon le matériel que vous allez utiliser. Le grain tant vanté par les amoureux de vinyles est perceptible de par les techniques d’enregistrement différentes par rapport à de l’audio numérique. Cependant, le numérique permet justement de retranscrire ce grain sans difficulté, n’étant pas un gage d’une bonne qualité audio. De son côté, le lossless ne pourra qu’être apprécié avec du matériel haut de gamme et une écoute filaire — puisque les smartphones et casques sans fil sont de plus en plus répandus —, le Bluetooth détruisant systématiquement la qualité audio. Pour l’instant, seul le codec LDAC de Sony permet la transmission d’un fichier audio de qualité CD (en 16 bits/44,1 kHz) sans détérioration. Également, la qualité de mastérisation d’un album est très importante.
Finalement, les deux formats ne sont pas incompatibles. Il est possible d’écouter votre musique préférée sur une platine vinyle et de stocker plusieurs albums lossless sur son smartphone ou ordinateur pour écouter ailleurs que dans le salon (ou tout autre endroit où ne se trouve pas votre platine vinyle). Le vinyle est un vrai objet de collection, qui pourra être transmis de génération en génération, pendant le lossless est peut-être plus passager, pourquoi pas, en attendant une nouvelle technologie numérique encore plus qualitative. L’important est d’aimer la musique, quel que soit le support qui vous permet de la consommer.